Chronologie des éruptions d'un volcan actif, le Popocatepetl.

Popocatepetl depuis le Paso de Cortes, Mexique (photo Ugo)
Popocatepetl depuis le Paso de Cortes, Mexique (photo Ugo)

Le Popocatepetl est un stratovolcan actif qui se situe au centre du Mexique et plus précisément dans la Sierra Nevada, un chaînon majeur de la ceinture transversale néovolcanique. Culminant à 5 452 m d’altitude, il s’affiche comme le deuxième plus haut sommet du pays après le Pic d’Orizaba. Son imposante allure dans le paysage en fait un point de repère indéniable pour les habitants mais également un lieu sacré pour les communautés proches ayant conservé certaines de leurs pratiques préhispaniques. Âgé d’environ 730 000 ans, ce volcan polygénique, issu de la subduction des plaques de Cocos et Riveira sous la plaque nord-américaine, a connu de nombreuses éruptions au cours de son histoire. Les Aztèques figurent parmi les premiers peuples à avoir mentionné ou illustré dans leurs codex plusieurs de ses manifestations volcaniques tels que des explosions avec panache de cendres et des activités fumerolliennes. D’ailleurs dans leur langue d’origine nahuatl, Popocatepetl signifie « montagne fumante ». Par la suite, ce seront les colons espagnols qui décriront l’activité de ce volcan qu’avait notamment gravi le soldat Diego de Ordàs lors de l’expédition dirigée par le conquistador Hernan Cortès en 1519 avant la prise de Tenochtitlan. Plusieurs éruptions seront ainsi rapportées dans les registres de la Nouvelle-Espagne au cours du 16ème, 17ème et 18èmesiècle. Il faut attendre ensuite les progrès de la science pour mieux connaître l’histoire volcanique du Popocatepetl. Des travaux en archéologie menés à la fin du 20ème siècle permettront de mettre au jour des constructions ensevelies dans des nappes de ponces dans la région Tetimpa localisée sur la pente nord-est du volcan. Ces découvertes révéleront que deux éruptions importantes se sont produites durant la période préhispanique, une aux environs du Ier siècle ap. J.-C. et l’autre vers 700-850 ans ap. J.-C.. La présence d’un nombre important d’objets ménagers retrouvés et l’absence de restes humains suggèrent que les habitants ont fui rapidement leurs terres pour se rendre dans les villages et villes de la vallée voisine. Ces événements volcaniques étaient de type explosif et ils témoignent de la violence des éruptions de ce volcan. Grâce à une étude conduite en 2006 par l’Institut géophysique de l’université nationale de Mexico et qui portait sur l’évolution morphostratigraphique du Popocatepetl, il a pu être démontré que ce volcan a connu au moins dix éruptions de type plinienne de très grande ampleur depuis sa formation, en particulier entre 12 900 et 14 700 ans. Ces cataclysmes ont contribué à modifier fortement la structure de son édifice par des avalanches de débris, des effondrements ou des explosions de dômes. D’ailleurs le Popocatepetl est un stratovolcan s’étant construit sur deux précédents volcans appelés Nexpayantla et Ventorrillo dont les anciennes coulées de lave occupent encore la base de sa structure. Aujourd’hui cet édifice est considéré comme un des plus dangereux du monde et les dernières éruptions de 2018 et 2020 indiquent que ce colosse formé de dacite et d’andésite n’a pas fini d’enrichir sa chronologie. 

Petit tour des formes originales liées à l'érosion des volcans.

D’une grande diversité et souvent très spectaculaires, les formes terrestres liées à l’érosion des volcans constituent un objet d’étude et de découverte passionnant pour tous les géomorphologues, vulcanologues et amateurs de paysages insolites. Sculptures et reliefs à l’apparence pour le moins originale, ces modelés résiduels se rencontrent surtout dans de vieux massifs et terrains volcaniques érodés depuis plusieurs milliers d’années. Leur genèse a souvent pour point commun le déchaussement de roches volcaniques très résistantes. Tel est le cas des culots ou des necks qui constituent d’anciennes cheminées de volcans dégagées par l’érosion différentielle mais aussi des dykes ou des sills, ces intrusions de lave solidifiées dans des fissures verticales ou horizontales de la croûte terrestre et mises au jour progressivement par le déblaiement des roches encaissantes ou par l’action de mouvements tectoniques. C'est également l'exemple des anciennes coulées de lave recouvrant des sédiments tendres et qui peuvent donner naissance à des formes résiduelles appelées mesas. Ces plateaux volcaniques aux versants abrupts représentent fréquemment des inversions de relief et forment au sein des surfaces d’aplanissement des « carapaces » limitant fortement l’ablation des couches géologiques sous-jacentes. À ces formes originales s’ajoutent enfin des modelés d’érosion de  grande ampleur comme les « barrancos », ces gorges façonnées sur des îles volcaniques depuis des millions d’années ; les bassins volcaniques érodés en milieu désertique ou bien encore les calderas, ces vastes dépressions circulaires produites par vidange de chambres magmatiques et occupées généralement par des lacs. Plus qu'un spectacle visuel, ces structures résiduelles d’anciens volcans traduisent surtout les expressions les plus intenses de la géodynamique terrestre. Elles incarnent un passé lointain où l’Homme n’existait pas, une âme tellurique qui peut être nous rappelle que notre présence n’est qu’éphémère et notre futur incertain. 

Les bombes volcaniques : des projectiles aux aspects divers.

Bombe en fuseau, Puy de la Vache (photo ugo)
Bombe en fuseau, Puy de la Vache (photo ugo)

Fragments de lave projetés dans les airs lors d’une éruption de grande intensité, les bombes volcaniques représentent un danger de tout instant pour les populations humaines implantées à proximité de volcans actifs.  De par leurs grandes dimensions et leurs trajectoires imprévisibles, ces pyroclastes  incarnent depuis la nuit des temps les symboles de la puissance et du réveil colérique des dieux du feu.  Mais comment se forment-ils exactement ? Et pourquoi ces projectiles présentent une si grande diversité de formes et d’aspects ? Les réponses sont variées et elles dépendent en effet du type d’éruption volcanique rencontré. Lorsque le magma remonte vers la surface aux travers de fissures, il rencontre  généralement sur son chemin des zones de rétrécissement, des obstacles mais aussi des aquifères souterrains qui ont pour effets d’accroître la pression des gaz alors dissous ou de provoquer des explosions par vaporisation (cas des maars).  Au moment de la rupture d’un de ces seuils de pression, le magma jaillit de toutes ses forces en expulsant vers la surface terrestre des lambeaux de lave de plusieurs décimètres à mètres cubes, c’est ce qu’on appelle les bombes ! Si ces fragments éjectés sont relativement fluides, ils donneront à leur impact sur le sol des bombes aplaties et lisses dites en "bouses de vache". En revanche si ces projectiles sont de nature légèrement visqueuse, ils tendront à se façonner dans les airs sous une forme fusoïde.  Lors d’une éruption de type explosive, la plupart des gros pyroclastes prennent la forme de bombes arrondies et fissurées dites en "croûte de pain". Cet aspect craquelé est en fait produit par l’expulsion tardive de gaz encore prisonniers dans des fragments de lave très visqueuse au moment de leur refroidissement. En cas de contact avec l’eau, le magma peut donner naissance à des projectiles connus sous le nom de bombes en "chou-fleur". D’un aspect vitreux et mamelonné, ces éjectas sont caractéristiques des éruptions phréato-magmatiques. Avec leur large gamme d’aspects et de formes, les bombes offrent aux vulcanologues de précieux indices pour étudier l’activité des volcans. Mais gare à l'intrépide qui souhaiterait s’aventurer trop près de ces engins pyrotechniques, ce pourrait être l’heure de son dernier feu d’artifice !

Licancabur, le stratovolcan modèle des zones de subduction.

Licancabur, 5916 m, Chili/Bolivie (photo Ugo)
Licancabur, 5916 m, Chili/Bolivie (photo Ugo)

Avec sa forme typiquement conique, ses pentes fortement inclinées et ses crêtes radiales caractéristiques lui donnant un aspect de pyramide grossièrement ridée, le Licancabur incarne l’exemple parfait du stratovolcan né sur le pourtour des zones de convergence lithosphérique impliquant un enfoncement de croûte océanique sous une plaque continentale. Situé dans la partie centrale de la cordillère des Andes et positionné à l’extrémité sud-ouest de la frontière bolivo-chilienne sur le plateau désertique de la Puna de Atacama, ce majestueux volcan résulte d’un mouvement de subduction intense et d'une remontée de matériel mantellique à travers un vieux socle fissuré par de puissantes contraintes tectoniques. Nourri par un premier magma basalto-andésitique puis andésitique au début du Pléistocène, le volcan a ensuite connu des éruptions avec des laves beaucoup plus visqueuses comme en témoignent les roches siliceuses de type dacites retrouvées dans les coulées et projections les plus récentes. Cette différenciation magmatique s’explique en partie par une cristallisation fractionnée mais aussi par une contamination de la roche fondue lors de son intrusion dans les granitoïdes de la croûte continentale. À la suite de ces évolutions chimiques, le magma tend à produire lors de ses remontées des éruptions avec des laves de plus en plus visqueuses. C'est une des raisons pour laquelle de nombreux stratovolcans situés à proximité des zones de subduction à l’image du mont Fuji au Japon ou du Mayon au Philippines possèdent des édifices très élancés vers le ciel.  Épargné par les glaciations du Quaternaire grâce à son activité volcanique tardive apparue il y'a environ 10 000 ans et protégé de l’érosion compte tenu de son contexte climatique, le Licancabur offre un terrain d’étude exceptionnel pour les volcanologues, géologues et biologistes curieux des environnements primitifs de la Terre. Emblème du volcanisme sud-américain, le Licancabur s’invite de fait au palmarès des plus beaux cônes de la planète avec en prime les espoirs d’une découverte sur nos origines. 

Tacoma : La fureur volcanique de la chaîne des Cascades.

Tacoma, Etats-Unis, W-S.  (photo Ugo)
Tacoma, Etats-Unis, W-S. (photo Ugo)

Apparu il y'a plus d'un million d'années dans un contexte de forte subduction entre la plaque océanique Juan de Fuca et la plaque continentale nord-américaine, le volcan Mont Rainier ou Tacoma comme le surnomment les tribus aborigènes locales, a connu plusieurs évolutions au cours de son existence. Culminant autrefois à plus de 4 900 mètres de hauteur, cet immense stratovolcan a subi au cours du temps les effets destructeurs de sa propre activité interne mais aussi de l'inexorable érosion extérieure. Ébranlé par un glissement de terrain de grande ampleur dont l'âge est estimé à environ 5 000 ans, le volcan a notamment perdu une partie de son édifice à l'image du Mont Saint Helens, un autre volcan situé à quelques dizaines de kilomètres. Malgré cet événement cataclysmique, le Mont Rainier reste actuellement le plus haut sommet de la longue chaîne côtière des Cascades (4 392 m). Bien que son activité paraisse ralentie puisque aucun événement éruptif ne s'est produit depuis 1894, celui-ci reste bel et bien toujours actif. Selon le comité de surveillance géologique américain, le Mont Rainier représente une des principales menaces volcaniques sur le territoire national. Le volcan se situe en effet à proximité de la grande agglomération de Seattle. Recouvert d'une vaste couche de glaces et de neiges éternelles compte tenu de sa situation géographique, celui-ci pourrait en cas d'éruption occasionner des coulées boueuses catastrophiques proches de celles des jökulhlaups islandais ! Se dirigeant dans les vallées de Puyallup et Carbon River, ces écoulements menaceraient directement un espace de vie d'au moins 150 000 habitants. De gigantesques panaches de cendres volcaniques pourraient également atteindre d'autres mégalopoles comme Portland ou Vancouver. Des plans d'urgence existent et la surveillance du volcan s'appuie sur des études scientifiques régulières. On se demande toutefois si ces mesures préventives sauraient faire face à une fureur extrême du plus haut volcan des Etats Unis.

Nevado Ojos del Salado : Seigneur des volcans du monde.

Nevado Ojos del Salado - 6893 m - Chili (photo Ugo)
Nevado Ojos del Salado - 6893 m - Chili (photo Ugo)

S’élevant au niveau des nuages les plus hauts et dominant à lui seul les volcans sortant des immenses plateaux arides du désert austral d’Atacama, le Nevado Ojos del Salado, dont la traduction pourrait signifier « Les yeux enneigés de la montagne salée », constitue le point culminant du Chili (6893 m) mais aussi le deuxième plus haut sommet d’Amérique après l’Aconcagua (6962 m). Sujet pendant de nombreuses années à des débats concernant son altitude, cet imposant stratovolcan, issu d'un mouvement de subduction complexe entre la plaque de Nazca et la plaque sud-américaine durant le Miocène, intrigue toujours les scientifiques et fait l’objet d’études encore poussées. Ses dernières éruptions ne sont pour exemple  pas connues avec précision. Selon la Smithsonian Institution, les échantillons de roches et de téphras analysés indiquent une forte activité de type explosive il y’a environ 1 300 ans avec toutefois une marge d’erreur de datation de quelques centaines d’années. Quoi qu’il en soit ce seigneur des volcans est actuellement considéré comme actif. En 1993, de légères retombées de cendres ont pu être constatées et la présence de quelques fumerolles aux alentours du sommet confirme l’hypothèse d’une activité volcanique bien réelle. Constitué de roches magmatiques plutôt acides de type dacite et rhyodacite, le Nevado Ojos del Salado fait partie de la catégorie dite des volcans « gris ». Sur son sommet mais aussi sur ses flancs, il est ainsi possible d’observer plusieurs cratères d’explosion, des dômes de lave et également de petits cônes pyroclastiques. Alimenté par de nouvelles laves visqueuses, ce volcan pourrait potentiellement accroître son volume et in fine son altitude dans un contexte climatique où l’érosion demeure limitée. Mais n'oublions pas qu'une gigantesque explosion pourrait aussi lui faire perdre son titre du plus haut volcan de la planète.