L'Aigle royal : emblème traditionnel de la puissance impériale.

Aigle royal, Kirghizistan (photo Ugo)
Aigle royal, Kirghizistan (photo Ugo)

Parmi tous les animaux du monde, l’Aigle royal apparaît sans nul doute comme une des espèces les plus vénérées depuis les prémices des premières civilisations. Symbole de la puissance des Dieux, du jugement sur Terre, de la justice entre les Hommes, de la force militaire ou encore de la résurrection, cet oiseau majestueux incarne des valeurs de prestige dépassant bien souvent les frontières de notre perception. En volant très haut dans le ciel, l’Aigle royal se porte messager d’un monde inaccessible vecteur de spiritualité, de pureté mais aussi de profond respect. Il n‘est à ce titre pas surprenant que des tribus primitives l’aient rapidement sacralisé et érigé au rang de fétiche. Au fur et à mesure des siècles, l’Aigle royal s’est imposé comme un emblème incontournable des autorités souveraines. Dans la Haute Antiquité,  les Hittites le représentaient déjà sur des sceaux avec deux têtes en compagnie de divinités ou de personnages haut placés.  Il était perçu à cette époque comme un serviteur du soleil et comme un envoyé divin rapide comme l’éclair. Cet aigle bicéphale deviendra au cours de l’histoire un symbole privilégié de l’empire byzantin sous la dynastie des Paléologues, de l’empire serbe au XIIe siècle mais aussi du Saint-Empire romain germanique à partir du XVe siècle. On le retrouve encore actuellement sur les armoiries de la Russie mais également sur les drapeaux de plusieurs états de l’ex- Yougoslavie. Les Grecs et les Romains le vénéraient également et le considéraient comme l’oiseau sacré de Zeus et de Jupiter, un intermédiaire entre les Hommes et le royaume des Dieux qui possédait l’ultime connaissance du monde et guidait les peuples vers la sagesse, la prospérité et le succès. Des histoires légendaires racontent d’ailleurs que cet « oracle » venu du ciel indiqua l’emplacement du site de Rome à Romulus et de Tenochtitlan aux Aztèques. En héraldique, l’aigle est une figure majeure des empires conquérants. De Charlemagne à Napoléon en passant par la Maison de Habsbourg et plus tard le Reich allemand, il devient l’emblème privilégié de la puissance, de la force et de la victoire militaire. Son statut d’intouchable et de super-prédateur le conforte dans cette représentation et l’élève à jamais au rang d’empereur suprême loin devant une autre figure animale bien connu des Croisades, le lion. 

Le Guêpier d'Europe, grand favori du marathon des sables !

Guêpier d'Europe, Allemagne (photo ugo)
Guêpier d'Europe, Allemagne (photo ugo)

Sur la ligne de départ de la célèbre course annuelle de printemps organisée par le comité international des oiseaux migrateurs, les guêpiers d’Europe figurent parmi les grands favoris de l’étape qui se déroulera en terrains sablonneux depuis l’Afrique tropicale jusqu’aux latitudes centrales du continent eurasiatique. Prospecteurs intelligents et équipiers solidaires, ces oiseaux grégaires appartenant à la famille des Méropidés pourront compter sur leurs excellentes qualités d’endurance, d’orientation et de perception visuelle pour atteindre la ligne d’arrivée où sera planté le drapeau de leur futur lieu de nidification. Au cours de ce long parcours, des points de ravitaillement stratégiques leur permettront de s’hydrater et de s’alimenter en insectes hyménoptères divers comme les guêpes, les frelons et surtout les abeilles qu’ils consommeront sans modération. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des individus camper, par temps froid ou humide ou bien lors d’un pic de passage migratoire, non loin d’une ruche afin de s’assurer de subvenir à leurs besoins ! Pour éviter toute piqûre durant ce moment de nourrissage délicat, les guêpiers d’Europe ont pour technique de frapper plusieurs fois les proies attrapées en vol sur un perchoir ou une branche avant de les engloutir. Mais gare au participant de ce grand marathon qui manquerait d’attention. Avec leur splendide plumage coloré à reflet métallique digne d’un des plus beaux carnavals de Venise, les guêpiers d’Europe réveillent très facilement l’appétit de rapaces diurnes tel que le Faucon d’Éléonore qui lance en toute intelligence son cycle de reproduction au moment de la traversée de ces fabuleux oiseaux sur le pourtour de la Méditerranée. Malgré ses nombreux risques encourus, le marathon des sables reste une étape incontournable dans la vie des migrateurs cavernicoles inféodés aux milieux sablonneux. En repoussant depuis plusieurs années ses limites latitudinales et également altitudinales, les guêpiers battent de nouveaux records qu’ils ne doivent qu'à un seul et redoutable paramètre environnemental, l’actuel réchauffement de la planète.

Merveilleuse avifaune des salars de la cordillère des Andes.

Dans les vastes déserts rocailleux des hauts plateaux de la Puna apparaissent des oasis de vie et de couleurs spontanés dans lesquels s’épanouissent de fabuleux oiseaux.  Étendues d’eau salée peu profondes soumises à une forte évaporation, les salars offrent à l’avifaune des refuges d’altitude insolites et ceci même en hiver lorsque des sources thermales viennent les alimenter en eau chaude ! Des espèces sédentaires comme la gracieuse Ouette des Andes, l'élégante Sarcelle de la Puna ou la territoriale Foulque géante voient dans ces espaces naturels des sites idéaux pour se reproduire, nicher et s’alimenter de plantes aquatiques diverses. De sublimes colonies de flamants illuminent de leur splendide plumage rose et blanc les multiples reflets de surface vacillant au rythme des ondes de leurs déplacements. Dans un climat des plus pacifiques, ces échassiers parcourent lentement ces marais salés à la recherche d’organismes unicellulaires et de microalgues qu’ils filtrent avec leur bec. D'autres espèces, migratrices, comme le Bécasseau de Baird, trouvent dans ces zones humides des sites d’hivernage se rapprochant des régions boréales qu’ils fréquentent en été tandis que des visiteurs comme la Géositte mineuse n’hésitent pas à venir au printemps pour nidifier sur les rivages de ces milieux souvent sablonneux. Dans cet environnement très riche en sel, les oiseaux se doivent d’entretenir régulièrement leurs plumes à l’aide de leur glande uropygienne. Écosystème original, les salars forment un biotope exceptionnel pour des espèces singulières et rares qui ne relèvent en aucun cas d'un simple mirage.

Qui se cache derrière sa majesté le Pélican à lunettes ?

Pélican à lunettes, Australie (photo Ugo)
Pélican à lunettes, Australie (photo Ugo)

C’est à  l’abri de tous soupçons et loin de nos représentations initiales que cet oiseau à la grâce indéniable et à l’allure quelque part innocente nous cueille par surprise.  Inféodé principalement aux zones humides d’Australie et de Nouvelle Guinée où il fait figure d’espèce quasi endémique, le Pélican à lunettes ou Pelecanus conspicillatus, en référence à ses yeux remarquables bordés d’un liseré jaune vif de toute splendeur, appartient à ces multiples exemples iconoclastes que l’Homme découvre en étudiant le règne animal. Avec sa stature majestueuse et nonchalante, ses élégants déplacements sur l’eau ainsi que ses mouvements laborieux au moment du décollage,  il nous est en effet difficile d’imaginer cet oiseau aquatique capable d’une prédation sans limites afin d’assouvir un appétit hors du commun. Pourtant à l’aide de son bec très sensible pouvant mesurer jusqu'à 50 cm de long (le plus grand au monde) et de sa grosse poche gulaire rosâtre servant de filet pour la capture, le Pélican à lunettes, bien que normalement piscivore, n’hésite pas à consommer tout un tas d’autres proies comme des insectes, des amphibiens, des reptiles, des crustacés, des oiseaux ou encore des mammifères de la taille d’un petit chien ! En période de disette, il fonce volontiers sur des mouettes ou des canetons en nageant sous l’eau puis les noient ou les étouffent à l’aide d’un ou plusieurs mouvements de bec. Il les ingurgite ensuite tête la première après avoir vidé l’eau de sa poche gulaire en inclinant celle-ci contre sa poitrine. Certains cas de cannibalisme de jeunes individus ont été rapportés et prouvent que cet animal peut être emprunt d’une certaine férocité. A l’image de nombreux rapaces diurnes, le Pélican à lunettes pratique également le caïnisme et dès son plus jeune âge il peut causer par son agressivité la mort de sa fratrie dans le nid pour assurer sa survie. Loin des clichés reçus par notre conscience en l’absence d’observation prolongée, le Pélican à lunettes nous rappelle qu’il ne faut  jamais se fier à nos premières  impressions. 

A la croisée des mœurs de l’infatigable Sterne arctique.

Sterne arctique en nichage, Spitzberg (photo ugo)
Sterne arctique en nichage, Spitzberg (photo ugo)

Oiseau marin appartenant à la grande famille des Laridés, la Sterne arctique fait partie de ces habituels migrateurs saisonniers à parcourir de longues distances. Avec une masse d'une centaine de grammes et une taille plutôt moyenne, cet oiseau léger et très endurant détient d'ailleurs le record du monde de la plus longue migration. Effectuant une distance moyenne de 70 000 kilomètres par an, la Sterne arctique se place en première position juste devant le Puffin fuligineux. Si l'on rapporte ce chiffre à l'échelle de sa vie, cet oiseau migrateur, d'une longévité moyenne de 30 ans, parcourt alors un total de 2,1 millions de kilomètres soit environ trois allers-retour Terre-Lune ! Passant l'essentiel de son temps en vol, la sterne arctique ne s'arrête véritablement que quatre mois dans l'année pour se nourrir et se reproduire. Inféodée aux régions circumpolaires de l'hémisphère nord, elle passe l'intégralité de l'été à nicher sur les espaces littoraux du monde arctique. La période d'hivernage se déroulera ensuite durant l'été austral dans des zones marines riches en poissons et krills de l'Antarctique. Au cours de ces deux périodes estivales où la durée du jour est totale, la Sterne arctique doit faire face à de multiples agressions et prédations. De nombreux oiseaux comme les goélands, les labbes et sternes s'harcèlent fréquemment pour se voler leur nourriture. Des prédateurs comme le Renard polaire, le Goéland argenté ou le Raton laveur constituent également des menaces permanentes pour les œufs et les oisillons situés dans les nids. Ainsi loin de tout repos, la Sterne arctique doit défendre ardemment son territoire pour survivre. Pour cela elle assène les visiteurs de coups de becs incisifs et rapides jusqu’à provoquer leur éloignement. Ce comportement très agressif est d'ailleurs unique chez les sternes. Causant des blessures même parfois à l'Homme, cet oiseau emprunt d'une rare férocité témoigne des impitoyables conditions d’existence qui règnent dans le monde du vivant. Avec des mœurs hors du commun et une résistance à toute épreuve, la Sterne arctique prouve que son fort ancrage parmi les biocénoses des milieux polaires ne résulte pas que d'un simple fruit du hasard.

Haematopus unicolor: l'huîtrier de Nouvelle Zélande.

Couple d'Haematopus unicolor, NZ (photo ugo)
Couple d'Haematopus unicolor, NZ (photo ugo)

Voici un oiseau limicole bien curieux qui se déplace le long des côtes néo-zélandaises. Avec un grand bec rouge, des pattes roses bonbons et un corps couvert de plumes noires, ce charadriidé au comportement farouche et paradoxalement inquisiteur ne passe pas inaperçu aux yeux des observateurs. Se mouvant toujours en couple, l'Huîtrier de Nouvelle Zélande a la caractéristique d'être très territorial par rapport à ses voisins. Le couple défend d'ailleurs ardemment son nid qui se trouve fréquemment installé dans une légère dépression sableuse. Ainsi les parents n'hésitent pas à faire fuir les oiseaux de passage, les prédateurs mais aussi les humains en tentant de les impressionner par des cris et des approches agressives. Fidèles compagnons, le mâle et la femelle parcourent ensemble les basses eaux des marées à la recherche de nourriture dans les grandes étendues sableuses et vaseuses de l'océan. Omnivores peu sélectifs, ils se nourrissent de nombreux animaux comme les insectes, les crabes, les vers, les petits poissons ou les mollusques, dont les huîtres, qu'ils ouvrent avec une dextérité qui n'est plus à prouver.

Le Nestor Kéa : un perroquet unique au monde.

Kéa, Routeburn track (photo Ugo)
Kéa, Routeburn track (photo Ugo)

Le Nestor Kéa est un oiseau endémique de Nouvelle Zélande appartenant à la famille des Strigopidés. C'est le seul perroquet au monde à pouvoir vivre en haute montagne. Il est aussi le seul perroquet "carnivore" connu sur notre planète. Les Maoris l'ont surnommé Kéa en raison de son cri éponyme aigu et puissant  qu' il émet dans les hautes montagnes des alpes néo-zélandaises. Le Kéa est une espèce que l'on retrouve uniquement sur la facade ouest de l'île du Sud. La raison tient au fait que cet oiseau est inféodé aux forêts humides de Nothofagus. Ces arbres des étages montagnards et sub-alpins lui procurent en effet une source d'alimentation importante. Oiseau omnivore peu farouche, le Kéa n'hésite pas à s'attaquer à des charognes de moutons pendant l'hiver. Il a ainsi hérité d'une réputation de carnivore et a été chassé pendant de nombreux siècles par les éleveurs. Aujourd'hui le Kéa bénéficie de mesures de protection mais reste menacé d'extinction en raison de la fragilité des populations et du faible nombre d'espèces.