Les mystérieuses statuettes du Taennchel : affaire classée ?

Statuette 2 découverte en 1995 (photo Ugo)
Statuette 2 découverte en 1995 (photo Ugo)

L’affaire débute fin 1995 lorsqu’un forestier de Sainte-Croix-aux-Mines passionné d’histoire reçoit chez lui un groupe de trois personnes qu’il connaît et qui lui font part de leurs découvertes faites sur le Taennchel, un massif forestier des Vosges situé non loin de leurs domiciles. Quatre sculptures en grès, trouvées dans des abris sous roches, lui sont alors présentées. Vivement intéressé par ces trouvailles, il décide dans un premier temps de les conserver pour savoir quelles démarches entreprendre et contacte une personne de son réseau, conservateur au Musée historique de Mulhouse, pour avoir son avis. Un rendez-vous est ainsi fixé entre tous les protagonistes. Au cours de cette réunion, le conservateur indique la nécessité de se rapprocher du service régional de l’archéologie et émet l’hypothèse que ces statuettes pourraient dater de l’époque gallo-romaine. Il est alors convenu de prévenir les communes concernées par ces trouvailles, identifier les lieux de découvertes et attendre le retour officiel d’un expert avant toute nouvelle prospection. Un nouveau rendez-vous est dès lors programmé avec le conservateur du patrimoine du service régional de l’archéologie. Lors de cette rencontre, seul le forestier sera présent avec une des statuettes trouvées. Le groupe d’amis détenant les trois autres objets ne viendra pas ce jour-là laissant les experts dans une situation de remise en doute totale à l’égard de ces découvertes. Après examen de l’unique statuette en leur possession, le conservateur conclut qu’il s’agit d’une trouvaille sans intérêt, un faux qui ne daterait pas plus de 100 ans et qui relèverait d’un canular ou d’un acte de secte néo-païenne. Déçu par ce verdict mais aussi très remonté par l’absence du groupe d’amis, le forestier se rend au domicile d’un d’eux pour demander des explications. En entrant, il découvre trois nouvelles statuettes ayant été trouvées dans une fissure d’un autre rocher. Exaspéré, le forestier menace d’avertir les pouvoirs publics sous huit jours si eux ne s’en chargent pas. Le délai dépassé et après quelques vaines tentatives de médiation, il est décidé d’appeler la Gendarmerie de Ribeauvillé qui s’occupera de saisir les six œuvres trouvées. L’ensemble des statuettes du Taennchel est alors confié au Musée d’Unterlinden à Colmar. S’ensuit une période de débats animés dans le monde de l’archéologie amateur jusqu’au jour où un nouveau rebondissement éclate dans l’affaire, presque un an et demi plus tard. Au cours du mois de Juin 1997, le forestier propose d’emmener un groupe de quelques historiens amateurs sur site. Au moment d’arriver sur les lieux, ils aperçoivent les mêmes fouilleurs prenant la fuite. Suspectant de nouvelles trouvailles, le technicien des forêts contacte la mairie de Thannenkirch afin de signaler cette nouvelle infraction. Selon lui, la brigade de recherche de Colmar trouve au domicile d’une des personnes trois sculptures inédites. Dans le procès verbal, il est toutefois dit qu’un des fouilleurs se rendra de lui-même à la gendarmerie avec ces nouveaux objets. Quoiqu’il en soit, leurs découvertes sur le Taennchel atteignent désormais le nombre de 10 sculptures. Au cours de l’année 1998, plusieurs rencontres ont lieu entre passionnés d’histoire locale et archéologues amateurs et ceci généralement à l’initiative du forestier. Ceci débouche sur plusieurs petits reportages de télévision régionale et conférences. Les archéologues amateurs d’outre-Rhin s’accordent sur l’origine celto-germanique probable de ces statuettes et y voient possiblement la présence d’un peuple métissé entre Teutons, Cimbres voire Gaëls. Pendant ce temps, les experts officiels de l’archéologie maintiennent que ces découvertes sont des faux mais ne classent pas l’affaire, ce qui va conduire à alimenter de nombreuses rumeurs et fantasmes. Il faut attendre 2023 pour que le direction régionale des affaires culturelles décide de reprendre ce dossier dans le but de montrer aux journées archéologiques des exemples de falsification d’art. Pour l’ingénieur d’études en charge de cet exposé, ces statuettes ne présentent pas les critères appropriés au statuaire celtique (absence de buste, chevelure peu élaborée et non rayonnante, présence de symboles autres que des attributs, sculptures travaillées surtout d’un seul côté et sur des roches aux formes souvent naturelles, mixité de styles et périodes artistiques…). De plus ce genre de vestiges est toujours trouvé dans des oppida ou des lieux habités, ce qui n’est pas le cas au Taennchel. Un bulletin de la société archéologique devrait voir le jour prochainement dans le but de classer définitivement cette affaire. Si tel est le cas, les sculptures feront retour à leurs propriétaires à savoir certainement les communes concernées par ces trouvailles. En attendant le massif du Taennchel continue de nous plonger dans son atmosphère mystérieuse qui, loin de toute explication rationnelle, alimente continuellement notre imaginaire. 

Quand la charbonnière du Hohneck se venge des Cosaques.

Armée cosaque vers 1815 (source : journal Républicain lorrain)
Armée cosaque vers 1815 (source : journal Républicain lorrain)

En ce triste mois de Janvier 1814, les hordes barbares cosaques franchissent avec leurs maigres chevaux d’Ukraine les cols enneigés des Vosges et se répandent dans la région. Elles massacrent tout sur leur passage, pillent des habitations, incendient des hameaux et enlèvent des personnes pour obtenir des rançons. Le simple bruit lointain de sabots ou le défilement d’une ombre à travers les carreaux de basses fenêtres suffit à ébranler le calme quotidien des fermes vosgiennes. Un jour, une troupe se dirige vers la cabane de Nicolas Didier, le charbonnier du Hohneck. Dans son logis, sa vieille mère s’occupe de ses trois enfants en attendant que celui-ci revienne de Longemer avec des provisions en compagnie de sa femme. Voyant venir de loin de grandes silhouettes sur les chaumes enneigées, la mère Didier tente de préparer un stratagème pour éviter de mettre à sac leur pauvre demeure. Elle fait alors grimper l’aîné des enfants aux saillies intérieures de la cheminée pour qu’il la bouche du mieux possible, puis place sur l’âtre des fagots humides et monte rapidement se réfugier à l’étage avec ses petits protégés. Lorsque le chef de troupe enfonce la porte de la cabane, il découvre une épaisse fumée qui se répand dans la cuisine et le corridor. Les soldats entrent et pestifèrent contre ce brouillard corrosif. Des bruits, des cris et des jurons se font alors entendre. Puis le calme revient et la grand-mère semble entendre la troupe remonter à cheval. Elle redescend mais constate que l’épaisse fumée provient désormais d’un incendie provoqué par les soldats qui ont fait valser le mobilier et les provisions de charbon sur des tisons éparpillés. Affolée, elle trébuche dans l’escalier puis emporte la fillette sur un bras, tiens le plus petit garçon par la main tandis que le plus grand s’accroche à sa jupe. À peine arrivés dehors sur les marches du seuil, des coups de feu éclatent et couchent la vieille femme et les trois enfants. Les Cosaques repartent et à la nuit tombante, Nicolas et sa femme découvrent le massacre. Abattus dans leur cœur, révoltés, ils n’extériorisent toutefois pas de la même façon leur haine. Nicolas veut prendre le fusil pour se venger mais sa femme l’en dissuade car elle détient le secret d’une vengeance plus réfléchie. Elle s’en va récolter avec sa hotte encore rempli de légumes, des racines vénéneuses de plants d’aconit puis disparaît calmement dans la forêt en direction des Cosaques. Pendant ce temps, Nicolas reste à genoux effondré par ce qu’il vient d’arriver. La nuit passe et le lendemain, à l’aube, alors qu’il somnole dans un hallier épargné par l’incendie, sa femme est de retour et lui raconte sa vengeance. Elle s’est faite capturée volontairement en chemin par la sentinelle du poste cosaque qui l’emmena dans une ferme isolée où elle se proposa de servir comme vivandière auprès des soldats. Elle leur prépara ainsi dans une marmite commune une soupe à base de chou, de pommes de terre soigneusement pelées, de carottes et d’aconit. Tout avait été fait pour susciter leur appétit et sans trahir le moindre désir de vengeance. Pour être sûre qu’ils y passent tous, elle était allée leur porter elle-même à manger. Un des soldats n’arrivait pas à se nourrir si bien que la vivandière lui porta la cuillère à la bouche. Après avoir rangé la vaisselle, elle se cacha dans une soupente le temps que le poison agisse. Sûre de les avoir tués, la femme proposa alors à son mari de se rendre de nouveau sur les lieux. En arrivant ils ne purent que constater le décès des vingt-deux cosaques aux visages grimaçant de douleur et aux postures témoignant d’une terrible souffrance. 

Les miracles du martyr pyrénéen Saint Aventin de Larboust.

Saint Aventin (source: lieuxsacres.canalblog)
Saint Aventin (source: lieuxsacres.canalblog)

Au VIIIe siècle après J.-C. naquit dans un village pyrénéen de la vallée du Larboust un petit garçon prénommé Aventin. Sa mère, qui était païenne comme bon nombre d’habitants de la région, se retrouva en grande souffrance au moment de l’accouchement. Une servante lui conseilla alors d’utiliser de l’eau bénite et de prier dans la foi chrétienne afin de soulager la venue de son enfant. Libérée de ses douleurs, la mère se jura de se convertir et d’élever son enfant dans le plus grand respect du christianisme. Les années passèrent et pendant qu’Aventin suivait ses premiers cours de théologie dans son village de Sainte-Marie, les sarrasins envahissaient lentement le sud des Pyrénées. Sa forte dévotion envers le Christ et son souhait de poursuivre des études religieuses l’amena par la suite à se retirer dans un ermitage situé à quelques kilomètres de chez lui dans le val d’Asteau. Prédicateur de la foi chrétienne, Aventin commença alors à évangéliser les vallées alentours. Les sarrasins qui étaient à ce moment présents dans les vallées du Luchonnais le considérèrent comme une menace. Ils le capturèrent alors et l’emmenèrent vers la tour de Castel-Blancat dans la vallée d’Oueil. Au moment de l’enfermer, Aventin sauta du haut du donjon et retomba plusieurs centaines de mètres plus bas en laissant au passage ses empreintes de pieds sur une pierre de granite. Pourchassé, il s’enfuit vers son ermitage mais se fit hélas de nouveau capturer quelques jours plus tard. Afin de s’en débarrasser pour de bon, les mercenaires sarrasins décidèrent de le décapiter sur le champ. Contre toute attente, le prédicateur continua de marcher en tenant sa tête dans ses bras avant de s’écrouler définitivement sur le lieu de son atterrissage miraculeux. Enterré sur place, ses ossements furent découverts seulement 300 ans plus tard par un vacher qui constatait que son taureau grattait avec insistance le sol. Exhumé grâce à la bénédiction de Saint Bertrand de Comminges, le corps de Saint Aventin fit l’objet de querelles entre villages voisins au sujet de sa sépulture. Afin d’apaiser les tensions, la dépouille du martyr fut dès lors attelée sur une charrette tirée par des bœufs qui avancèrent à leur libre convenance. A la grande surprise de tous, le charroi s’arrêta finalement au village de Sainte-Marie qui prit à partir de cet épisode historique le nom de son célèbre martyr.

Tangata Manu : le culte de l'Homme-oiseau des Haumakas.

Rituel célébré autrefois sur l'île de Pâques par les Haumakas, le Tangata Manu ou culte de l’Homme-oiseau était une compétition organisée tous les ans en l’honneur du dieu de la fertilité, Make Make. Opposant plusieurs candidats, ce défi présentait plusieurs épreuves physiques et sportives dangereuses qui avaient pour mission de ramener le tout premier œuf pondu de l’année par le Manutara, un oiseau marin migrateur appartenant à la famille des sternes. Selon la tradition, cet oiseau sacré aurait été envoyé par le dieu créateur depuis Motu Motiro Hiva, l’actuel îlot de Sala y Gomez, jusqu’à l’île de Pâques dans le but d’assurer la descendance de ce peuple polynésien sédentarisé. Les premières compétitions démarraient à Materavi, un petit village côtier situé au pied du volcan Rano Kau mais par la suite elles furent déplacées à Orongo, site cérémoniel établi à flanc de falaise. Dès lors les Hopu Manu, ces participants choisis par leurs clans, devaient, en plus de nager deux kilomètres dans une mer agitée à l’aide d’un flotteur constitué de fibres enchevêtrées, descendre une falaise abrupte de presque 300 mètres de hauteur et l’escalader au retour après avoir récupéré l’œuf de Manutara sur la petite île rocheuse de Motu Nui. Des accidents mortels étaient fréquents avec en particulier des chutes ou encore des attaques de requins. Il fallait attendre parfois plusieurs semaines sur Motu Nui avant de récupérer l’œuf tant convoité. Les Hopu Manu dormaient alors dans des grottes et devaient subvenir à leurs besoins avec leurs quelques vivres emportés. Des tensions pouvaient apparaître suite à des vols de nourriture par exemple. Après avoir remis l'œuf intact à son chef de clan, le vainqueur de ce tournoi impitoyable se voyait attribuer le statut d'Homme-oiseau. À ce titre, il était considéré comme une personne sacrée que l’on ne pouvait approcher ni toucher pendant une période d’un an. Dans un contexte de conflits grandissants entre plusieurs clans de l’île, le Tangata Manu s’affichait au fur et à mesure du temps comme une compétition à vocation de plus en plus politique. Malheureusement, le refus de remettre les privilèges en jeu par les chefs de clan et le souhait de recourir à plusieurs compétitions annuelles amorcèrent un déclin rapide de cette tradition primitive qui disparut officiellement avec l’arrivée de missionnaires au XIXe siècle. 

Le tonnelier Fritz au pays des géants d'Alsace.

Source: Illustration de Marie Hélène Delval
Source: Illustration de Marie Hélène Delval

On raconte qu'autrefois, au pied du château du Haut Koenigsbourg, un tonnelier nommé Fritz, aimait grandement boire. Il passait son temps à fréquenter les tavernes jusqu'à en dépenser son dernier sou. Un soir, alors qu'il rentrait ivre sur le chemin qui menait à sa maison, Fritz rencontra un petit homme maigre et osseux portant un bonnet rouge sous lequel se dessinaient deux cornes. Il reconnut le diable en personne qui proposa de l'aider en lui prêtant mille écus pendant un an. Conscient de sa misère, Fritz accepta l'offre. Mais le pari était tel qu'il devait rembourser cette somme le jour de l'échéance, sinon le diable emporterait son âme pour toujours. Le tonnelier pensait avoir le temps mais il dépensa tout son argent car il aimait trop boire. Les mois passèrent et la veille du jour fatidique, Fritz n'avait plus qu'un seul écu en poche. A ce moment, il se rappela que le seigneur du château offrait une récompense de mille écus pour celui qui vaincrait les deux géants qui semaient la terreur dans le royaume. Fritz confectionna alors un solide tonneau rempli de poix qu'il transporta dans la forêt sombre et profonde. Il s'arrêta sur un sentier fréquenté et posa son dernier écu sur le tonneau. Il attendit ensuite la venue des deux géants. Avec des pas lourds et résonnants, ces derniers passèrent sur le chemin et remarquèrent l'écu qui scintillait au clair de lune. Ils se jetèrent alors dessus et se battirent pour l'avoir. Les géants cassèrent le tonneau et furent ainsi collés puis immobilisés par la poix. Fritz prit alors sa hache et leur trancha la tête. Il ramena ces trophées au château et obtint la récompense. A minuit moins une, il remboursa le diable et se jura d'arrêter de boire. Pouvant se consacrer à son travail, il devint par la suite le meilleur tonnelier du royaume et permit à l'Alsace de produire les meilleurs vins !