Quels sont les mécanismes de formation d'une doline ?

Doline de subsidence, Plateau du Barrois (photo Ugo)
Doline de subsidence, Plateau du Barrois (photo Ugo)

Dépressions fermées généralement circulaires ou elliptiques, les dolines (du mot dolina qui veut dire vallée ou cuvette en slave) sont des formes d’érosion qui apparaissent surtout en contexte karstique. Pouvant mesurer seulement quelques mètres de long, elles atteignent parfois des dimensions spectaculaires comme en Chine où plusieurs de ces modelés dépassent plusieurs centaines de mètres de largeur et de profondeur (cas du Xiaozhai Tiankeng et du Haolong Tiankeng). Le record du monde en terme de volume d’effondrement, bien que discutable quant à sa genèse, se trouve actuellement en Malaisie sur le site de la Deer Cave. Cette méga-doline surnommée Garden of Eden mesure environ 1200 mètres de longueur pour 800 mètres de largeur et représente un affaissement rocheux estimé à 150 millions de m3 ! C’est dire l’importance que peuvent prendre ces formes d’érosion superficielles qui peuvent se produire progressivement ou bien subitement tel ce gouffre apparu en 2007 dans la capitale du Guatemala où un immeuble de trois étages a été englouti en une fraction de secondes lors de la tempête tropicale Agatha. Quelque soit leur forme et leur taille, les dolines ont pour point commun de se produire dans des couches sédimentaires soumises à une forte dissolution chimique. Les roches solubles comme le calcaire, la dolomite ou encore le gypse subissent de fortes altérations par percolation des eaux de surface et circulation d’écoulements souterrains. Des réseaux de fissures et de fentes s’élargissent ainsi progressivement et font apparaître des « vides » sous la surface du sol qui se traduisent par des effondrements, des affaissements ou des tassements. Ce phénomène tend bien évidement à s’amplifier lorsque les eaux pluviales ou souterraines qui rencontrent ces couches sédimentaires solubles sont plus abondantes, chaudes et acides. C’est dans ce contexte que les cénotes du Sistema Zacatón à Tamaulipas au Mexique sont apparus. Grâce à de nombreux écoulements souterrains réchauffés et alimentés par une activité volcanique importante, ces vastes dolines remplies d’eau sont devenues les plus "abyssales" du monde.  Seul un robot de la NASA a réussi à atteindre le fond de la plus encaissée d’entre-elles à une profondeur de 339 mètres ! Sous nos latitudes, les dolines tendent à être moins impressionnantes bien que largement répandues. Leurs mécanismes de formation impliquent une dissolution souvent plus lente et progressive occasionnant de petites dépressions en cuvette ou en entonnoir sur des terrains karstiques nus. Les dolines d’effondrement sont assez rares et apparaissent lors d’un écroulement rapide ou progressif du toit d’une cavité sous-jacente. Elles sont considérées comme des formes très avancées de dolines de dissolution. Un autre mécanisme implique un entraînement des éléments d’un sol recouvrant un karst dans des fissures et cavités situées plus en profondeur. Cette « vidange de surface » provoque alors des dolines de suffosion dans le cas de formations superficielles sans cohésion (sable, arène, grès fortement altéré…) ou bien des dolines de subsidence dans le cas de sol argileux. Ces dernières se manifestent par un effondrement souvent plus prononcé dans lequel sont visibles, sous climat à saison sèche de type méditerranéen, des argiles de décalcification oxydés connus sous le nom de terra rossa

Classification des différents types de dolines se développant en contexte de roches solubles (Waltham et Fookes, 2003)
Classification des différents types de dolines se développant en contexte de roches solubles (Waltham et Fookes, 2003)

Monument Valley, le relief de cuesta du plateau du Colorado.

Buttes-témoins, Monument Valley, États-Unis (photo Ugo)
Buttes-témoins, Monument Valley, États-Unis (photo Ugo)

Situé à cheval sur les états de l’Arizona et de l’Utah, Monument Valley incarne l’âme authentique du grand ouest américain. Faisant parti de la réserve indienne des Navajos, le site est mondialement connu pour avoir servi de décors dans de nombreux westerns tels que La Chevauchée fantastique et La Prisonnière du désert de John Ford ou encore Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone. Derrière les coulisses de ces paysages grandioses où se sont déroulées de nombreuses cavalcades et fusillades se cache pourtant une histoire géologique hors du commun. Né dans un contexte régional de fort soulèvement tectonique accompagné d’épisodes volcaniques, le plateau du Colorado connaît depuis plusieurs millions d’années les effets inexorables de l’érosion. Ce processus d’altération de l’écorce terrestre apparaît souvent spectaculaire notamment lorsqu’il se produit sur les marges d’une structure tabulaire de type aclinale. Tel est le cas de Monument Valley qui correspond en tout point à un relief de cuesta dans lequel s’individualisent d'imposantes buttes témoins,  de grandes mésas mais aussi parfois des necks ou des dykes atteignant les 150 à 250 mètres de hauteur. Ces formes d’érosion, détachées du front de côte, mettent généralement en évidence une série stratigraphique composée de trois formations géologiques : une couche sommitale tendre datée du Trias constituée de grès argileux et de conglomérats, une strate intermédiaire dite De Chelly où les grès compacts et massifs du Permien supérieur constituent des pentes abruptes, et enfin une couche basale appartenant à l’Organ Rock Formation alternant argiles et grès du Permien inférieur. La quasi parfaite verticalité de la plupart de ces monolithes indique un très faible pendage des couches géologiques et la présence de diaclases très anciennes, d’origine surement tectonique, découpant notamment de haut en bas la formation sédimentaire De Chelly. Ainsi lorsqu’une butte témoin, une mesa ou un rebord de plateau se trouve fragilisé, c’est tout un pan de falaise qui peut s’effondrer par gravité. Ces spécificités expliquent en partie l’authenticité de ce vaste site naturel dans lequel l’Homme apparaît, au regard de l’histoire géologique de ces formations, minuscule pour ne pas dire insignifiant. 

La solifluxion : un processus d'érosion entraîné par le dégel.

Solifluxion en coulée, Massif du Sancy (photo ugo)
Solifluxion en coulée, Massif du Sancy (photo ugo)

Mouvement gravitaire en masse apparaissant sur la partie superficielle des versants de montagne et des terrains fréquemment exposés au gel, la solifluxion est une des causes principales de l’érosion des sols en milieu périglaciaire. Ses mécanismes de formation font encore l’objet d’études et même si les nombreux travaux conduits durant le 20ème siècle ont apporté des réponses précises (Jumikis, Jahn, Avenard, Van Vliet-Lanoë…), les paramètres qui entrent en action dans la mise en place de ce phénomène géomorphologique restent complexes. Faisant appel à des notions de mécanique des sols, la solifluxion dépend en effet de plusieurs processus géophysiques et géochimiques comme la cryoreptation, le drainage, l’illuviation, l’agrégation du sol, la floculation d'argiles ou encore la succion cryogénique. Elle se produit de toute évidence en terrain pentu, au moment où les sols dégèlent et s’imbibent suffisamment d’eau pour en modifier leur plasticité. En dépassant les limites d’Atterberg, les forces de traction liées à la pesanteur l’emportent inévitablement sur les forces de résistance et de cohésion. Elles provoquent alors des mouvements de surface aux multiples apparences. En fonction des caractéristiques lithologiques et rhéologiques des sols mais aussi du mode de transport des matériaux, il existe toute une typologie de formes d’érosion allant des glissements en planche aux décollements, des loupes de solifluxion aux coups de cuiller en passant par les coulées boueuses et les foirages. L’apparition de bombements ou de tassements, la présence de déchirures ou d’étirements, l’existence de niches d’arrachements ou d’ondulations, sont autant d’indicateurs visuels qui précisent la nature de l’écoulement gravitaire rencontré sur le terrain. Pendant longtemps, il a été admis que les phénomènes de mouvements en masse se produisaient surtout dans des formations à granulométrie très fine. Les observations de terrain prouvent justement qu’ils apparaissent aussi dans des formations avec des proportions d’argiles même inférieures à 10%. Processus d’érosion inexorable, la solifluxion tend à ralentir lorsqu’il existe une couverture végétale importante en surface avec un système racinaire bien développé. 

Sols polygonaux : Quand la terre devient géométrie.

Sols polygonaux, archipel du Svalbard (photo ugo)
Sols polygonaux, archipel du Svalbard (photo ugo)

Curieux phénomène naturel se produisant à la surface des terrains périglaciaires, les sols polygonaux restent un sujet mal connu des géomorphologues et des passionnés des milieux polaires. Avec leurs spectaculaires formes géométriques et leur divine organisation symétrique, ces sols nous donnent l'impression de se trouver sur un immense carrelage naturel que des géants auraient posé par terre ! Mais comment-expliquer cet étrange phénomène ? Formés par des mouvements de cryoturbation, ces modelés périglaciaires évoluent chaque année au gré des cycles gel-dégel. L'augmentation de volume des couches superficielles favorise l'apparition de fentes de dessiccation et de coins de glace. Des déplacements convectifs de matériaux provoquent des bombements au niveau des parties centrales de chaque polygone. La pression du gel conduit généralement à expulser du sol des aiguilles de glaces qu'on appelle pipkrakes. Ces dernières poussent des matériaux à granulométrie variée vers la surface. Les plus lourds roulent bien souvent vers les marges déprimées. Des accumulations de pierres peuvent ainsi être observées sur les bords de polygone mais ce n'est pas toujours le cas. Cela dépend en effet du substrat géologique où se déroule le phénomène. On assiste lors du dégel à une fusion partielle de la glace notamment au niveau des craquelures. Des embryophytes hygrophiles comme les hépatiques en profitent alors pour coloniser ces maigres espaces non gelés contribuant au passage à accentuer la forme géométrique de ces modelés périglaciaires. Même si nous connaissons les grandes lignes de formation de ces sols, nous ne pouvons pas à l'heure actuelle expliquer tous les processus physiques impliqués dans leurs genèses. Seul le temps nous permettra de mieux appréhender les lois mathématiques d'une Nature toujours aussi énigmatique.

Gosse's Bluff : Symbole d'une forte cratérisation au Crétacé ?

Gosse's Bluff, Australie (photo Ugo)
Gosse's Bluff, Australie (photo Ugo)

La disparition des dinosaures sur un temps géologique relativement court suscite encore à l'heure actuelle de nombreuses questions. Il semblerait qu'une conjonction de plusieurs facteurs soit à l'origine d'une des plus grandes extinctions de masse connues sur Terre. Parmi les hypothèses scientifiques retenues apparaît celle de la cratérisation. De nombreux cratères d'impact demeurent encore visibles sur Terre et plusieurs datent effectivement du Mésosoïque supérieur. Le cratère de Gosse's Bluff en Australie en est un bon exemple. D'un diamètre de 5 kilomètres et d'une hauteur de 180 mètres, cette vaste forme circulaire résulte d'un impact d'astéroïde ou de comète dont l'âge est estimé à 142 millions d'années. Aussi surprenant soit-il, Gosse's Bluff n'est en fait que la partie centrale visible d'un immense cratère érodé d'environ 22 kilomètres de diamètre. Le corps solide à l'origine de cet impact devait mesurer près d'un kilomètre de longueur. La gravité sur Terre étant élevée, l'arrivée de corps célestes sur la croûte terrestre provoque des cratères d’impact dont les dimensions dépassent 20 fois celles des astéroïdes. La pression de l'impact vaporise instantanément une partie du matériel solide et provoque alors une énorme explosion. Des ondes se produisent et en se réfléchissant déforment la partie centrale du cratère. Les séismes occasionnés à la suite de choc d'une telle ampleur entraînent d'énormes remontées magmatiques dans la lithosphère mais aussi de gigantesques tsunamis. Beaucoup d'espèces ont disparus à la suite de ces événements cataclysmiques et le cratère de Gosse's Bluff pourrait être le témoin d'une série de rétroactions négatives à l'origine du déclin de la mégafaune à la fin du Crétacé.

Cryoturbation et modelé périglaciaire.

Modelé périglaciaire, Alaska (photo ugo)
Modelé périglaciaire, Alaska (photo ugo)

Dans les régions de hautes latitudes à climat polaire et subpolaire, le froid engendre un gel des sols jusqu'à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Le permafrost représente dès lors une couche imperméable pour l'eau qui circule en sa surface. Bien que le climat soit souvent sec et glacial, de nombreux apports en précipitations ont lieu. C'est notamment durant le printemps et l'été que la fonte des neiges et le dégel progressif des sols favoriseront l'apparition de tourbières, de lacs mais aussi de marécages sur de vastes étendues. Dans les différents niveaux des sols non gelés, des nappes phréatiques et des écoulements souterrains s'installeront progressivement en attendant l'arrivée du prochain hiver. Lorsque les températures négatives reviendront, la surface du sol se remettra à geler en engendrant un phénomène de pression pour les eaux souterraines qui subiront une augmentation de leur volume. Par un principe analogue à celui d'un puits artésien, ces réservoirs d'eau liquide en voie de regel permettront à une lentille de glace de se former rapidement et de migrer en hauteur par un phénomène de poussée hydrostatique. En se dirigeant vers la surface, cette lentille de glace provoquera alors des déformations du sol prenant l'aspect de collines allongées ou arrondies. Ces formes terrestres originales que l'on appelle des pingos, des palses ou encore des lithalses représentent ainsi des modelés périglaciaires occasionnés par des phénomènes  de cryoturbation. Évoluant généralement sur plusieurs années au gré des cycles gel/dégel, ces curiosités pédologiques des milieux polaires offrent un spectacle unique mais aussi temporaire.

La Yukon River, le mythe d'un long fleuve tranquille ?

Yukon River, Circle, Alaska (photo ugo)
Yukon River, Circle, Alaska (photo ugo)

La Yukon River prend sa source en Amérique du Nord, plus précisément au Canada, en Colombie Britannique. Elle est principalement alimentée par les bassins versants des grandes chaînes de montagne environnantes comme les Rocheuses et la chaîne d'Alaska. Fleuve long de 3 190 kilomètres, la Yukon traverse la partie ouest du Canada puis sillonne les immenses plaines centrales d'Alaska avant de se jeter dans la mer de Bering. Avec un débit de 6430 mètres cubes par seconde et une profondeur assez faible, la Yukon River apparaît comme un des fleuves les plus larges au monde. Ses crues se produisent surtout en juin lorsque les neiges commencent à fondre. La période d'étiage, quant à elle, se situe en pleine période hivernale. Avec une seule alternance de hautes et de basses eaux durant l'année, le régime pluviométrique de ce cours d'eau est donc typiquement nival. Fleuve réputé dangereux, cette "grande rivière" est bien connue des autochtones pour son commerce de fourrures mais aussi d'or. Les premiers colons avaient en effet profité de ce grand couloir naturel pour explorer les terres les plus septentrionales d'Alaska. Alcool, tabac, outils, denrées alimentaires, vêtements ou encore fusils étaient des exemples de produits courants que l'on pouvait s'échanger entre canoës et sur des lieux d'embarcation. Des équipages avec des missionnaires partaient également à la recherche de villages indigènes à convertir. Ces nombreux échanges et rencontres sur le fleuve se sont malheureusement souvent soldés par des conflits armés et des fléaux sociaux comme l'alcoolisme.

Les latérites : une entité géologique à part entière.

Massif Sud, Calédonie (photo u-g-o)
Massif Sud, Calédonie (photo u-g-o)

Les latérites sont des sols que l'on observe en milieu tropical. Soumis à une forte altération chimique due au climat, ces sols s'appauvrissent au fur et à mesure du temps. De nombreux minéraux et éléments sont lessivés en profondeur et il ne reste ainsi en surface qu'une fraction minérale composée d'éléments insolubles comme le chrome, le nickel, le fer, le titane ou encore l'aluminium. Des cuirasses ferrugineuses peuvent apparaître lorque l'accumulation de fer devient trop importante. Il est alors impossible à ce stade de cultiver ces sols. Les latérites intéressent de nombreuses sociétés minières comme en Nouvelle Calédonie. En raison d'une extraction intensive, cette île est d'ailleurs devenue l'un des plus gros producteurs de nickel au monde. Les impacts environnementaux y sont toutefois inquiétants (pollution du lagon, destruction d'écosystèmes, érosion des sols...).

Le Mont Conner, une relique géologique sacrée.

Mont Conner, Northern Territory, Australie (photo u-g-o)
Mont Conner, Northern Territory, Australie (photo u-g-o)

Le Mont Conner, également appelé Mont Atilla, est un inselberg qui se situe en Australie dans le territoire du Nord. Il est souvent confondu avec le mont Uluru qui se situe d'ailleurs non loin de lui. Ce relief résiduel, âgé de plus de 500 millions d'années, est composé de grès et de siltite très compacts datant du Précambien. L'érosion a engendré, et déjà au Crétacé, un paysage de vaste plaine où ont subsisté des reliefs isolés comme le Mont Conner. Les aborigènes ont vite sacralisé ces monuments naturels dans lesquels ils voyaient la grandeur et la puissance de dieux. 

La dolérite, une roche charismatique.

Dolérite de Tasmanie (photo U.g.o)
Dolérite de Tasmanie (photo U.g.o)

La dolérite est une roche sub-volcanique dont l'organisation rappelle celle des orgues basaltiques. Elle prend en effet la forme de prismes compacts allongés s'emboitant les uns dans les autres. Cette roche est composée de plagioclases en latte moulés par du pyroxène interstitiel. La structure des cristaux, qui s'organise en baguettes, est visible à l'oeil nu. La roche se présente sous des couleurs grises à noires ou encore vertes. Cela dépend en effet  du degré d'altération et de la composition minéralogique. Les plus beaux spots de dolérite dans le monde se trouvent en Antarctique, en Afrique du sud et en Australie notamment en Tasmanie. Dans le cas de cette île, cette roche s'est formée au Jurassique lors de l"éclatement du Gondwana.