Sirocco en hiver : un phénomène météorologique nouveau ?

Ciel chargé de particules de sables, Vosges (photo Ugo)
Ciel chargé de particules de sables, Vosges (photo Ugo)

Vent puissant chaud et sec soufflant du Sahara vers l’Afrique du Nord, le Sirocco se forme lorsqu’une forte dépression s’installe au dessus de la mer Méditerranée. La masse d’air chaude stationnaire et anticyclonique placée au dessus du désert saharien subit par aspiration un mouvement atmosphérique ascendant. Des vents violents transportant du sable se dirigent alors en direction des zones de basses pressions. Ils atteignent facilement le Maghreb ou la Sicile mais peuvent parfois aussi franchir la mer Méditerranée et se prolonger vers le sud de l’Europe. Ces variations de circulation atmosphérique dépendent surtout de la position de la dépression extratropicale. Si cette dernière apparaît au nord de la mer Méditerranée, alors les vents auront tendance à progresser vers de plus hautes latitudes. Habituellement, le phénomène météorologique du Sirocco se produit au printemps et en été lorsque le taux d’humidité relative de la masse d’air baisse fortement, que la durée d’insolation s’allonge et que les températures maximales augmentent de plusieurs degrés par rapport aux moyennes saisonnières. Par ses fortes concentrations de sable dans l’air, il provoque régulièrement des dommages sur les cultures et une dégradation de la qualité de l’air notamment dans les grandes villes d’Afrique du Nord. Mais depuis quelques années ce ciel nébuleux de couleur rose ou orange tend à se manifester beaucoup plus tôt dans l’année. Il progresse également plus au nord et ses épisodes de formation semblent s’intensifier. Avec les effets du réchauffement climatique, les hivers tendent à s’estomper dans les régions géographiques subtropicales déjà en proie à une désertification grandissante et une sécheresse généralisée. Comme l’ont prouvé plusieurs études scientifiques, la hausse des températures modifie la circulation atmosphérique en déplaçant les centres de dépressions et d’anticyclones temporaires et/ou permanents ainsi que leurs zones de front. S’en suivent des conséquences environnementales qui impactent des milieux naturels comme les chaînes de montagne. En recouvrant de sable fin pour exemple les étendues de neige et les glaciers présents dans les Alpes, le Sirocco provoque un abaissement de l’albédo de ces surfaces et accélère de facto leur fonte par temps ensoleillé. Manifestation d’une série de rétroactions négatives climatiques ou simple phénomène exceptionnel, force est de reconnaître que chanter la  joyeuse comptine "Vive le vent d’hiver" en Février n’a rien d’une chanson de Noël !

Stalactites : Lorsque les dents de glace provoquent la mort.

Stalactites, Massif des Vosges (photo Ugo)
Stalactites, Massif des Vosges (photo Ugo)

Se trouver sous une stalactite de glace est dans bien des cas synonyme de flirt avec la mort. Pesant de quelques centaines de grammes à plusieurs dizaines de kilogrammes, ces pics d’eau gelée suspendus dans les airs représentent un danger réel notamment lorsqu’ils se forment en hauteur. Plusieurs accidents mortels sont ainsi recensés chaque année dans le monde. Parmi les plus tristement célèbres, celui d’un fils d’un commis de la paroisse de Bampton dans le Devon tué en 1776 par la chute d’une stalactite de glace provenant de la tour de l’église. Sur un des murs extérieurs de cet édifice religieux a été fixée une plaque commémorative portant ces inscriptions « Bless my eyes, Here he lies, In a sad pickle, Kill’d by an icicle ». En 2010, c'est le quotidien anglais The Telegraph qui rapporte qu’au cours de l’hiver de cette même année, 5 personnes ont perdu la vie et 150 autres ont été blessées à Saint-Pétersbourg en raison de nombreux décrochements de stalactites de glace. Ce triste record fait suite à un épisode de neige et de froid très intense suivi d’un redoux ayant provoqué une fonte accélérée de ces dangereuses formations suspendues aux toits de la ville. Selon la SIMA (Snow and Ice Management Association), les stalactites de glace feraient en moyenne 15 morts par an aux Etats-Unis. À ces chiffres concernant souvent les zones urbaines, il pourrait être ajouté également les accidents fatals liés aux alpinistes gravissant des cascades de glaces. Le processus de formation de ces sublimes constructions de la nature étant analogue à celui des stalactites d’eau gelée, les statistiques pourraient être en effet revues à la hausse ; d’autant que les victimes tendent à se faire de plus en plus nombreuses en conséquence d'une démocratisation grandissante de cette discipline sportive. Si les stalactites de glace font régulièrement des morts et blessés parmi la population humaine, elles provoquent également des extinctions d’êtres vivants dans des milieux comme les océans ! Phénomène naturel pour le moins original, les brinicles sont des colonnes de glace fragiles prenant naissance sous la banquise. Elles progressent en quelques heures par le biais d’un courant vertical de saumure très froide sur lequel vient se solidifier de l’eau de mer environnante plus chaude et moins dense. Lorsque ce flux gagne les profondeurs, il peut possiblement se répandre sur le fond marin et geler des animaux peu rapides comme les oursins ou les étoiles de mer. Qu'elles soient marines ou terrestres, quand il s’agit de faire parler d’elles, les stalactites de glace tombent toujours à pic !

Quelles sont les conditions nécessaires à la magie du givre ?

Angélique prise par le givre (photo Ugo)
Angélique prise par le givre (photo Ugo)

L’arrivée des premiers grands froids, sous nos latitudes tempérées, s’accompagne bien souvent de phénomènes météorologiques à l’expression visuelle intense mais aussi délicieuse. Au regard des fascinantes cascades de glaces, des cristaux de neige scintillants sous le clair de lune et des sublimes gelées blanches du matin, l’hiver n’a rien d’une saison monotone en termes de spectacles ! Parmi les expressions artistiques de cette période aux longues nuits animées, le givre apparaît sans nul doute comme une des démonstrations les plus saisissantes. En épousant par ses fines couches de glace les contours de nombreuses architectures végétales, celui-ci a le pouvoir de transformer ce qui devient au cours de l’hiver dépérissement en une série de créations divinement fantaisistes. Cette magie de la métamorphose possède pour ingrédients secrets de petites gouttelettes d’eau surfondues. En l’absence d’une déstabilisation de ses molécules, l’eau pure peut en effet rester liquide dans notre atmosphère jusqu’à des températures minimales dépassant – 40°C ! Mais lors d’un contact avec une surface solide, ses gouttelettes subissent une perturbation de leur liaison chimique et gèlent alors instantanément. Bien que plutôt fréquent en hiver, le givre dépend toutefois de nombreuses conditions pour apparaître. D'une part, il impose de se trouver en atmosphère très humide (cas du brouillard) et d’autre part celui-ci se développe plus facilement en présence de grosses gouttelettes. Le degré de pureté de l’eau influence également sur son processus de démarrage tout comme la puissance du vent agit sur l’énergie libérée par les particules au moment de leur impact. C’est d’ailleurs grâce à ce dernier paramètre qu’il est possible d’observer des constructions impressionnantes dans lesquelles des gouttelettes d’eau s’amalgament horizontalement les unes à la suite des autres.  Véritable fléau pour l’aviation, le givre n’en reste pas moins une création majestueuse de notre atmosphère qui chaque année produit des sculptures authentiques avec des exemplaires d’une valeur inestimable. 

Pénitents de neige : Procession en haute montagne illuminée.

Pénitents de neige, Puntas Negras, Chili (photo ugo)
Pénitents de neige, Puntas Negras, Chili (photo ugo)

Cérémonie annuelle qui commence dès le printemps sur les versants ensoleillés des sommets et hauts plateaux arides de la Cordillère des Andes, le grand défilé des pénitents de neige annonce pour les amateurs de la montagne, l’arrivée d’un spectacle grandiose au cours duquel chacun pourra admirer de jour comme de nuit  les fantasmagories d’une procession illuminée par le soleil, la lune et les étoiles. Merveilles de neige et de glace, joailleries temporaires; les pénitents incarnent l’authenticité et l’âme isolée des espaces désertiques où règne l’austérité climatique. Façonnés dans le temps par des phénomènes de transformation, ces lames de neige en forme de longs chapeaux pointus rappellent étonnamment les cagoules blanches portées par les Nazaneros participant à la fameuse célébration religieuse de la Semaine Sainte à Séville en Andalousie. Leur secret de fabrication se situe au carrefour des sciences de la météorologie et de la nivologie. Coiffées d’un air très sec, les pointes de ces pinacles de neige exposés au soleil s’aiguisent en se sublimant tandis qu'aux pieds et sur le long de leurs parois, les surfaces concaves se réchauffent par réflexion et piégeage du rayonnement lumineux. Abritées du vent, ces dernières fondent ensuite lorsque l’humidité ambiante augmente jusqu'à une élévation suffisante du point de rosée. Résultat d’une ablation différentielle singulière, les pénitents tendent à s’individualiser selon des plans d’alignement à géométrie régulière. Regardant toujours dans la direction du soleil, ces sculptures aux reflets glacés projettent dans l’immensité des déserts chaotiques des ombres vivantes qui ne cessent de bouger au fil de la journée. Esprits de la montagne illuminée ou simple illusion de l’esprit, les pénitents emportent dans leur cortège les silences d’un rassemblement solennel avec pour seul chef de file le synode de la création terrestre.  

Des cristaux de glace pas comme les autres : les Pipkrakes

Pipkrakes, Massif central (photo ugo)
Pipkrakes, Massif central (photo ugo)

Dans le silence des nuits froides et glaciales régnant encore sous les cieux étoilés de l’hiver tardif et du discret printemps, se dévoile un royaume fabuleux ayant pour seule gouvernante la magie du gel. Sculptures aux allures d’aiguilles de givre, de flûtes de cristal, de colonnes gelées ou d’orgues taillées dans du verre ; les pipkrakes, mot d'origine suédoise dont la traduction pourrait s’interpréter comme « tubes fragiles », éveillent notre fantaisie d’un monde, qui à l’échelle d’une puce de neige, pourrait ressembler à un immense palais des glaces ! Prenant un aspect filamenteux et délicat comme un cheveu ou bien un caractère massif et beaucoup plus géométrique à l’image d’un pilastre miniature, ces cristaux de glace offrent une diversité incroyable de formes et parfois même de couleurs pour celui qui s’en approcherait à la lumière du jour avec une loupe. Coiffées souvent de petits cailloux, ces aiguilles de glace sortent de terre lorsque le gel de la nuit s’abat sur des sols humides peu cohérents et souvent filtrants. L’humidité contenue dans les basses couches du sol est expulsée au niveau des pierres qui jouent alors un rôle d’isolant en préservant la surface du sol de l’action du gel. L’eau mise sous pression s'évacue ainsi par ces points de sortie et cristallise progressivement en arrivant au contact de l’air extérieur.  Phénomène cantonné surtout aux terrains périglaciaires des montagnes ou des territoires de haute latitude, les pipkrakes cachent malheureusement derrière leur décor les prémices d’une érosion irréversible. Ces dents de glace en détruisant la surface des sols expulsent également des plantes fragiles et empêchent alors toute stabilisation de la couverture pédologique. Caprices des dernières nuits glaciales, ces flûtes de cristal, à notre plus grand regret, ne jouent pas que les notes d’une mélodie enchantée. 

La mer de nuages et son phénomène d'inversion thermique. 

Depuis le massif du Brézouard, Alsace (photo Ugo)
Depuis le massif du Brézouard, Alsace (photo Ugo)

Durant l'automne et l'hiver, le froid s'installe rapidement dans les fonds de vallées et les plaines humides. Des nuages se forment par condensation et ceci surtout à l'approche du moment crépusculaire. Ils se trouvent ensuite "piégés" lorsqu'un temps anticyclonique s'établit sur plusieurs jours. Les hautes pressions plaquent alors l'air froid au sol et les habituels courants ascendants liés au phénomène de convection thermique ne peuvent plus se réaliser. Les rayons du soleil en cette période de l'année ne sont plus assez puissants pour faire évaporer l'humidité ambiante. Il en résulte l'apparition d'une mer de nuages qui empêche tout échange vertical atmosphérique. Cette véritable couche isolante produit un phénomène d'inversion thermique qui se traduit par des températures basses voire négatives au niveau du sol et des températures douces en altitude. L'amplitude thermique est généralement élevée avec des écarts pouvant aller jusqu'à 20 degrés ! Les personnes vivant en montagne bénéficient ainsi de conditions plus clémentes durant cette période de l'année. La qualité de l'air est également bien meilleure en hauteur puisque la pollution reste emprisonnée dans les premières strates de cette immense couche nuageuse stagnante.